mardi 9 septembre 2008

Chronique médicale

Chers lecteurs,
si je vous ai tenus dans l'ombre sur la teneur de mon stage en médecine jusqu'à maintenant, alors qu'il ne me reste que deux jours à faire (en effet je pars vendredi pour Kolkata), c'est simplement que l'expérience depuis le début est tellement déstabilisante que je considérais chaque fois qu'il était trop tôt pour en parler, que les choses se tasseraient sûrement.

Mais pas vraiment...

J'en suis encore à me demander ou est le problème, et je ne peux qu'offrir des pistes de solution...

Les deux premières semaines furent passées à Vadu, un petit village à une heure de route de Pune. Le premier matin, je fais de la clinique externe de pédiatrie.

Mathieu! Sit! me dit le pédiatre. J'allais entendre cet ordre des centaines de fois par la suite. Alors que le médecin canadien est toujours debout, nerveux, actif, sur une fesse, sur une jambe, le médecin indien est confortablement installé dans son siège, et l'externe doit suivre l'exemple.

S'ensuit une longue conversation en Marathi, la langue du Maharashtra, de famille commune avec l'Hindi. Puis, la mère et le bébé sortent. Le médecin alors me regarde en souriant et me demande dans un anglais que j'ai vraiment peine à saisir: " So where are you from?" "And what do you want to do here?" How do you find Indian doctors?"

Éventuellement je lui demande de me résumer la consultation précédente. Il bredouille rapidement une explication douteuse au sujet d'un rhume viral qu'on traite avec une céphalosporine pour être sûr et puis l'effet psychologique ça il faut pas négliger. Mais au milieu de mes re-questions pour clarifier les nombreux acronymes non intégrés, une nouvelle maman arrive avec un nouveau bébé et le pédiatre recommence à parler Marathi.

Le contraste entre mes attentes et leur compréhension de leur rôle fut brutal. Alors que je suis externe et m'attendais à voir, questionner (en anglais ou avec un interprète), examiner, prescrire labos et médicaments, ils avaient en tête que je devais observer, sans trop interférer, et surtout leur parler de comment c'est au Canada.

J'étais profondément embêté. Si je ne posais pas de question, personne ne m'expliquait rien. Si je posais des questions, je me sentais comme une mouche sur la soupe. Les journées passaient à un rythme d'une lenteur infinie et je m'ennuyais à mourir.

J'ai tenté plusieurs tactiques. Assister aux chirurgies fut un échappatoire temporaire. Personne ne m'expliquait rien et je ne me brossais pas (soupir) mais au moins c'est impressionnant et on apprends juste à regarder, un peu. Les tentatives d'aller donner des vaccins dans la campagne furent un désastre. On me traitait comme une statue indésirable et laide qu'on évite du regard.

Par ailleurs, je stressais car Mme Giverne avait été très claire. Si mon stage était observatoire et non clinique, il ne compterait pas. J'ai donc confronté d'abord l'obstétricien avec mon problème. Il me répondit que pour faire des examens vaginaux il fallait chercher quelque chose. Je lui répondit avec un agacement difficilement contrôlable que justement, j'imaginais qu'il cherchait qqchose quand il les faisait et que j'aimerais bien qu'il m'explique quoi. Après quelque minutes il accepta que je fasse des examens. Mais il ne proposa pas de me trouver un interprète, et il était hors de question de prescrire ou d'écrire des notes car selon lui c'était illégal.

Cependant, dès le jour suivant, il déchargea sa responsabilité sur la résidente en lui disant de me faire faire un examen, ce qu'elle ne fit pas, convaincue que mon rôle en était un d'observateur...

Éventuellement, je devins si misérable que je m'arrêtai pour réfléchir. Mon stress venait de ce que j'avais une attente que je ne parvenais pas à combler. Malgré tous les essais que j'avais pu imaginer. Je devais donc changer mes attentes. Je décidai de ne plus pousser et d'accepter que mon stage serait peut-être jugé nul, au pire je le referais à la fin de la 2e année. De toute façon, graduellement un réel désir de prendre de l'expérience m'avait envahi et je ne voulais pas gaspiller une de mes 20 périodes à ne rien apprendre.

En conséquence, il était maintenant accessoire de me présenter au stage, et je décidai de ne plus y aller! Je pourrais ainsi pratiquer, relaxer, prendre des vacances à Pune avec son odeur de Roses et généralement glander, ce dont j'avais grand besoin (malgré ce qu'un certain article de journal universitaire a pu vous faire croire...)

Cependant, après discussion avec des amis indiens, j'ai décidé de donner une deuxième chance au stage en tentant ma chance à l'hopital central à Pune. Là, raisonnai-je, il y a aurait quelques anglophones, et peut-être quelques médecins qui voudraient bien me faire voir un patient.
Mais encore une fois, le jeu du dumping a pris le dessus. Oui oui oui, opinaient mes interlocuteurs, pas de problème, tu peux voir des patients!! Je suis sûr que mon bon collègue Dr. X va se faire un plaisir!! Sur quoi, après deux heures d'attentes, quand je parvenais à attraper Dr. X, il me référait à ses résidents...

Mais au moins, pour préserver ma santé mentale, j'avais décidé de n'y aller q'une demi-journée à tous les jours, comme ça si c'était inactif, et ça l'était presque toujours, je me réconfortais en profitant pleinement de mon après-midi.

Heureusement, ici et là, au fil des jours, j'ai quand même vu plusieurs choses intéressantes médicalement, et j'espère, appris plus que je ne le pense. Mais je n'ai vu, seul, qu'un patient en 3 semaines et demi. Et il a fallu que je le gagne après de longues intercessions auprès des responsables.

Comme quoi en voyage, il faut avant tout être prêt à changer ses plans.

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