lundi 29 septembre 2008

Pune ça pue encore

Un des meilleurs petits plaisirs de l'Inde: un lassi à la Papaye (yogourt Nature avec de la purée de Papaye), surtout en lendemain de show, reprenant son souffle, doucement.

Hier la soirée s'est transformée en une autre réception mondaine, encore une fois ou tous avaient 50 ans et plus, sans exception. J'ai malheureusement l'impression que je devrai choisir: la musique classique, ou le fan club jeunesse. Heureusement, mes habiletés à la guitare progressent de façon constante. C'est mon seul espoir. Et j'ai au moins une chanson d'écrite déjà. Ha ha.

"Peut-être un jour viendra
Ou je marcherai sur l'eau
En attendant je laisse mes pas
Dans l'argile près des oiseaux"

Ha ha

Ces réceptions, comme beaucoup de choses dans la vie, éveillent invariablement des sentiments contradictoires. D'abord, un sentiment de répulsion envers ce luxe se présentant sous forme d'autos aux bancs de cuir ou on attrape le rhume par air climatisé (Never mind ce qu'on apprend en médecine: ma grand-mère m'assure qu'voir froid donne le rhume), ces servants hindous qui préparent la nourriture, apportent les cocktails sur des plateaux, ouvrent les portes, retiennent les chiens féroces qui gardent la propriété, le tout dans une réception parsie.

Puis, la conversation. Il y a le pire, malheureusement - À quel âge as-tu commencé, is it very cold in Canada, let me tell you about my passion for jewels, comment fais-tu pour concilier les deux, que feras-tu plus tard, tes parents doivent être fiers, etc etc. Toutes ces questions soit tellement insignifiantes et banales qu'il faut bravement retenir le soupir qui se pointe malgré nous ou le sourire narquois en coin, soit tellement profondes et existentielles, auxquelles on n'a évidemment pas les réponses, qu'on se demande par ou commencer à expliquer. Dans ces occasions, soit on invente hypocritement une réponse manufacturée sur mesure, soit on tente naivement d'expliquer comment on se sent, auquel cas on est coupé à 90% du temps par notre interlocuteur, embarrassé de notre honêteté et ne voulant pas vraiment savoir pourquoi avoir commencé médecine.

Tel est l'état du champ sur lequel se tiennent ces redoutables batailles que sont les conversations mondaines.

Et comment pourrait-il en être autrement? Des étrangers sont mis en contact de façon artificielle, tels des rats de laboratoire.

...

Il y a heureusement le meilleur aussi. Hier il a pris la forme de ce vétérinaire suisse qui expliquait l'organisation de l'élevage bovin en Inde. Imaginez: 50% des veaux sont des mâles. Or il est interdit de les tuer (légalement partout en Inde sauf au Kerala et au West Bengal, états communistes et diamétralement opposés aux extrémités sud-ouest et nord-est du pays). Or ils ne donnent pas de lait.

Ils errent donc dans les campagnes ( ou les villes), compétitionnant avec les femelles pour le fourrage! Fascinant.

Par ailleurs, ici, une grosse ferme laitière comporte 10 animaux. Prenant connaissance du fonctionnement québécois, le brave homme a utilié des termes tels que "dépassé", "antique", "mauvais", "dangereux" et même "contre-productif". Selon lui, de corder les vaches dans des fermes gigantesques sans les laisser trotter dans le champs réduit leur longévité et la qualité du lait. Il prétend qu'en Suisse, il existe de strictes lois pour le traitement adéquat des animaux et que toutes les vaches mangent ou elles veulent, quand elles veulent (désolé je ne trouve toujours pas le u accent grace).

Anyway, food for thoughts.

dimanche 28 septembre 2008

Where in the world is the Indian Woman Santiago?

Des hommes.

Dans les restaurants, que des hommes. Des hommes à la porte, des hommes au commandes, des hommes au service, des hommes aux cuisines. Dans les taxis, les rickshaws, au marche, vendant les fruits et legumes, les epices, les noix, les farines, dans les boutiques de linge, de sous-vetements feminins, de sari: que des hommes. Dans le train Sleeper Class, 99,5% d'hommes (p< 0,005) mais il faut avouer que meme les femmes les plus cool rencontrees jusqu'ici ne prendraient pas ce choix. C'est juste trop dans le sens de too much dans le sens de tse veux dire.

Des hommes qui se prennent la main, qui dans le train s'empilent l'un sur l'autre, le bras autour du cou, des hommes partout, tout le temps, en toute situation. Je me suis fait coupe les cheveux: par un homme evidemment. Je me suis fait masser, bien sur par un homme.

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Bien que la situation puisse sembler paradisiaque pour mes amis homosexuels, je me trouve, comment dire, prive d'un certain equilibre. Les femmes dans ma vie indienne ont soit plus de 45 ans (organisatrices de concerts, amatrices de musique), soit moins de 17 (eleves de piano). Les autres sont tragiquement portees disparues.

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Dans 2h30, concert no.5 deja. Je suis a Pune, je devrais dire: je resuis à Pune pour 2 jours. Le concert a Bangalore a été très satisfaisant, nonobstant la perméabilité sonore deslieux qui a transformé mon récital en concerto pour piano et klaxons. Le niveau sonore ambiant indien citadin est terrifiant. Les klaxons sont utilisés libéralement et constituent un outil de bonne conduite, les portables sonnent n'importe quand et en toutes situations (incluant les concerts de piano). Mais on ne dira jamais assez comme il est agréable de rejouer un programme en tournée, plusieurs fois. Ça apporte une liberté, une confiance, un contrôle qui insufflent une qualité supplémentaire à la musique. Je savoure beaucoup ce petit plaisir.

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vendredi 26 septembre 2008

Banga Lore

Lore...

Un mot qui evoque des epoques disparues, des actes heroiques, des aventures epiques...

Bengaluru regorge de soleil, de parcs, de magasins occidentaux, tout en donnant l'impression d'une ville a petite echelle, presque intime. La pollution, le bruit, le trafic tant decries par les connaisseurs sont presents mais apres Pune, ne semblent pas prendre trop de place.

Plusieurs cours de piano pendant 3 jours me donnent une bonne idee de la situation musicale en Inde. J'ai entendu entre autres un garcon dont le talent sortait par les oreilles, et une autre fille qui serait probablement acceptee dans une universitee americaine. Bien sur, il y avait aussi ceux qui jouent pour se relaxer de la journee. Plus difficile!

Les tensions entre fondamentalistes hindous et eglises chretiennes sont elevees. Le Karnataka, dont Bengaluru est la capitale, est mene par un gouvernement de droite fondamentaliste Hindou, et ce n'est pas trop clair si ce dernier protege les Eglises ou encourage les violences. En Orissa, aussi mene par le meme parti, des Chretiens ont ete tues, des religieuses violees, des eglises saccagees. Les Hindous reprochent des conversions forcees.

Hier, au Theological College ou je demeure, un eveque en cavale d'Orissa racontait qu'il a du fuir en moto pour contourner les barrages, laissant sa famille dispersee la-bas, car on en voulait a sa vie...

Par ailleurs, rencontre heureuse de Vikramjit Ram. Outre le fait que son prenom contient son nom, il est auteur de deux livres dont le dernier est un recit de voyage au Madya Pradesh (province de l'Inde centrale) qui vient de paraitre chez Penguin (!!). Je rapporte ce livre joyeusement dans mes valises, l'ayant troque contre 24 Preludes. Le gars est en gros un sosie Indien de mon prof Paul Stewart. C'est fascinant.

mardi 23 septembre 2008

Entrevue

Pour avoir de mes nouvelles sur les ondes publiques:
Espace Musique le 1er octobre, 20h, entrevue.
A bientot
Mathieu-a-Bangaluru

samedi 20 septembre 2008

Delhi

Le quartier de Delhi que j'aurai vu est sillonne de larges avenues bordees de grands arbres. Tout est vert, particulierement en cette saison de mousson. C'est au centre de New Delhi, la capitale batie par les anglais entre 1911 et 1931, fuyant Kolkata (Calcutta) devenue trop idealiste, independentiste, trop de trouble. Ils ont seulement profite de leur bijou 16 ans.

Grandes avenues donc, air relativement pur, club de golf, club de courses de chevaux (tres populaire parmi les classes aisees indiennes), parcs, une plethore d'edifices victoriens, marches hauts de gamme. Dans l'enclave diplomatique ces avenues alignent de chaque cote des ambassades de prtout, et aussi la Delhi School of Music ou je donne un Masterclass ce matin. La-bas, vers 17h, on voit arriver des meres avec leurs enfants pour des cours. 90% sont etrangeres.

Je demeure au India International Centre, un "club" utilise beaucoup pour loger la visite des diplomates. Restaurant trop cher et pas tres bon, bibliotheque, quelques lounges, auditorium ou j'ai joue hier (une belle experience), le tout enveloppe d'un trop plein d'air climatise.

Juste derriere le IIC, les Lodi Gardens sont magnifiques. Avant le regne Mughal qui a commence avec Babur en 1526, il y eut quelques decennies de regne sous les "Lodi". Le parc contient quatre "tombes" datant de la fin du 15e siecle. Par tombe, il fut imaginer d'immenses structures carrees ou octogonales en pierre ou en marbre, avec mes arches musulmanes, des inscrptions coraniques, des plaques de ceramique colorees, bref, des mini Taj Mahal. Pour l'Inde, ces tombes sont peu de choses, et Delhi contient des dizaines de sites plus impressionnants, mais pour moi, c'etait finalement un brin de poesie historique, de tourisme ebahi, dans un horaire charge avec medecine, musique et rencontres diplomatiques.

Apres le concert hier, souper au Lodi Garden Restaurant avec le High Commissioner of Canada in India, Mr. Joseph Caron et son epouse, (dans les pays du Commonwealth, les autres pays du commonwealth n'ont pas d'ambassadeurs, car on ne peut dupliquer la reine, mais des commissaires), Victor Rabinovitch, directeur de la societe du Musee Canadien des Civilisations a Ottawa et son epouse, ainsi que les deux curateurs seniors (il est le frere de Robert Rabinovitch qui a mene une autre societe canadienne pendant huit ans: Radio-Canada), etc. Dans ce cercle, on refere a l'ancien premier ministre comme "Paul". C'etait une soiree fort agreable.

Ce matin, profitant du parc Lodi pour rattraper mon retard en termes de course a pied, j'ai pu verifier que certains tombeaux abritent non seulement des hommes morts il y a 600 ans mais aussi des hommes vivants tant bien que mal et une multitude de chiens plus ou moins mal en point. Plus loin, deux musulmans chantaient doucement une priere a Allah le nez tourne vers la Mecque, celebrant ainsi le jour qui se leve, assis en Indien (!) dans la mini mosquee juxtaposant le grand monument funeraire. Un voile de bruine caressait mon visage.

Ce soir je pars pour 48 heures de train ver Bangalore, traversant l'Inde du Nord au Sud.

...

lundi 15 septembre 2008

je suis en vie

En 5 minutes:
Je ne suis pas encore a Delhi, donc je ne fais pas partie des 20 victimes des terroristes.
Je suis a Kolkata, cite du bonheur, qui respire la culture, l'action, la beaute. Merveilleux.
Le voyage en train etait aussi formidable que mes attentes. Un paysage fantastique. Des renontres merveilleuses. 36 heures de pur emerveillement.
Dans les 24 dernieres heures j'ai pratique sur les deux pianos les plus faux de ma vie, mais mon oreille interne tient le coup! J'etais un peu inquiet quand Mrs. Rustomji a dit que l'accordeur allait finir la job en une demi-heure sur le Bosendofer imperial qui date de 192x. Ha ha ha!

Tant a vous dire, tant a vous faire voir, entendre, sentir, rencontrer...

Un petit message pour Oli si tu lis ceci, hier je suis tombe par hasard sur une reunion d'une cooperative de riz bio... je t'en dit plus au retour...

A bientot

Mathieu

jeudi 11 septembre 2008

Au cas ou...

Je veux juste specifier que si je suis ici, et que vous lisez ceci, c'est que le gouvernement federal a paye mon billet d'avion, par l'entremise du ministere des affaires etrangeres et d'un programme de soutien aux artistes qui s'appelait Promart et que Harper vient juste de faire disparaitre. Je demanderais donc a ceux qui compte voter pour Playmobil-man de se poser cette question: vaut-il mieux un pays avec une forte cohesion sociale et beaucoup d'artistes emergents ou un pays plein de tensions inegalitaires et seulement Celine Dion qui parvient a survivre?

Mathieu-le-demagogue

Convergence

Ha ha ha. Vous savez quand TVA propose des publicites du journal de Montreal qui lui critique les emissions de TVA, en passant par 7 jours et autres inepties etc?

Bon.

Et bien laissez-moi publiciser le blogue de Zviane au Zviane.com, une jeune bedeiste talentueuse et d'une humanite touchante, aussi musicienne, qui devrait plaire a tous ceux qui aiment la bande dessinee et la vie. (My god, quand je veux je peux vraiment ecrire des generalites qui ne disent rien.) En tous cas je suis un grand fan.

Il y a plusieurs mois, elle faisait une serie sur les fruits qu'on voit a la fruiterie du coin a Mtl mais qu'on n'achete jamais pcq on ne les connait pas. C'etait tres amusant et instructif, et ca m'a inspire. Alors je me suis mis moi-aussi a tenter de faire le tour des fruits qu'on rencontre ici. Il y en a beaucoup, mais je ne sais pas leur nom en francais. En tous cas, c'est un grand bonheur, comme le sont aussi les jus frais (surtout de melon d'eau, c'est comme de l'eau encore plus rafraichissante).

Un autre jeu quotidien en Inde est de trouver les toilettes. Le concept de toilette belle et propre, qui sent le Mr Net ou encore mieux la rose naturelle, toute blanche, n'existe pas ici. En general ca pue tellement que on se demande si le repas ne sortira pas par la bouche avant de sortir ailleurs. Meme dans des restaurants chics, c'est le plus souvent comme ca. Alors, leur solution est de ne pas avoir de toilette dans les etablissements mais de les garder a l'exterieur, etant donc utilisees par les clients de plusieurs commerces contigus.

Aussi, le papier de toilette est non-usuel, et meme est considere impropre par le indiens. Ils utilisent leur main gauche et un peu d'eau, et donc se lavent les mains soigneusement par la suite. D'ou aussi l'habitude de manger seulement avec la main droite.
Personnellement je pense que bientot il va falloir realiser collectivement que c'est insoutenable de couper tant d'arbres pour une hygiene qui peut tout aussi bien etre maintenue par un peu d'eau, peut-etre mieux meme. Ca fait reflechir, et attendez-vous a etre surpris/decus/choques/enchantes la prochaine que vous venez souper chez moi a Montreal! Ha ha ha ha!

Mathieu le terroriste hygienique

chronique medicale II

Dr. Joshi est interniste. Il arrive a l'hopital a 9h, et fait 2 h de clinique externe. Puis la tournee des patients, jusqu'a 13h. Ensuite il part dans un autre hopital (il travaille pour 4 hopitaux) et va chez lui vers 17h, dans sa clinique privee au rdchausse de sa residence, pour des consultations. Il revient a KEM, mon hopital pour une autre tournee, puis termine chez lui jusqu'a 23h. Tout ca 6 jours par semaine et souvent le dimanche!!!!

Les Indiens travaillent certainement beaucoup, probablement beaucoup trop. OK, leur rythme est parfois relax, mais pas toujours. J'imagine que ca va lentement s'ameliorer... Il reste peu de temps pour la femme et les enfants bien sur.

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Mon stage est termine. Comme on pouvait s'y attendre, la fin etait en fait agreable, puisque Dr Joshi est un excellent pedagogue et que j'ai pu comprendre quelques cas interessant, sans toutefois etre implique directement. Mais au moins je reste avec une bonne impression. Il faut dire que ca prend du temps juste pour s'impregner de la facon dont sont conduites les interactions professionnelles et sociales. C'est la vie. La prochaine fois je serai mieux prepare.

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Ici il y a quatre niveaux d'hospitalisation. Le moins cher est le General Ward, divise en Male et Female. Des grandes salles avec pleins de lits, comme au Quebec il y a des decennies. Puis il y a les Nursing Wards, ou on recoit plus de soins infirmiers j'imagine, avec trois niveaux de confort (ex. proprete des toilettes, toilette privee, Air climatise, etc)
L'Inde a certains hopitaux gratuits mais les soins y sont de basse qualite. La majorite sont payant a different degres. Souvent on n'offre meme pas un traitement a un patient car on se dit qu'il ne pourra pas se le payer...

Cette semaine nous avons perdu entre autres un patient de 30 ans d'une bacterie appelee Leptospirosis, choc septique, insuffisance multisystemique, et boum. Je me demandais si on l'aurait perdu au Canada aussi... la bibitte se propage par l'urine de rats - j'en ai vu aucun mais il parait qu'ils sont partout- et quand c'est la mousson, l'eau viemt contaminee... de quoi me donner envie de boire encore plus de marques d'eau en bouteille.

Parlant de mousson, on est normalement sur la fin maintenant. J'ai vu tres peu de pluie pendant 3 semaines, mais depuis il pleut souvent, de la bruine. Mais a part l'episode de l'inondation, c'est pas comme dans National Geographic en Afrique quand ils montrent la pluie de fou qui tombe pendant des jours. non non .

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A l'unite des soins intensifs, la famille n'est pas admise, donc le corridor au 5e est rempli de gens qui campent, sur les bancs, par terre, partout. Les Indiens sont comme des plaquettes, ils n'ont pas peur de s'agglutiner quand il le faut!

En passant, ma plus vieille niece a eu cinq ans hier. Bonne fete Jeanne! Qui j'en suis sur suit ce blogue avec assiduite entre deux episodes de sa serie pour enfants preferee.

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mardi 9 septembre 2008

Chronique médicale

Chers lecteurs,
si je vous ai tenus dans l'ombre sur la teneur de mon stage en médecine jusqu'à maintenant, alors qu'il ne me reste que deux jours à faire (en effet je pars vendredi pour Kolkata), c'est simplement que l'expérience depuis le début est tellement déstabilisante que je considérais chaque fois qu'il était trop tôt pour en parler, que les choses se tasseraient sûrement.

Mais pas vraiment...

J'en suis encore à me demander ou est le problème, et je ne peux qu'offrir des pistes de solution...

Les deux premières semaines furent passées à Vadu, un petit village à une heure de route de Pune. Le premier matin, je fais de la clinique externe de pédiatrie.

Mathieu! Sit! me dit le pédiatre. J'allais entendre cet ordre des centaines de fois par la suite. Alors que le médecin canadien est toujours debout, nerveux, actif, sur une fesse, sur une jambe, le médecin indien est confortablement installé dans son siège, et l'externe doit suivre l'exemple.

S'ensuit une longue conversation en Marathi, la langue du Maharashtra, de famille commune avec l'Hindi. Puis, la mère et le bébé sortent. Le médecin alors me regarde en souriant et me demande dans un anglais que j'ai vraiment peine à saisir: " So where are you from?" "And what do you want to do here?" How do you find Indian doctors?"

Éventuellement je lui demande de me résumer la consultation précédente. Il bredouille rapidement une explication douteuse au sujet d'un rhume viral qu'on traite avec une céphalosporine pour être sûr et puis l'effet psychologique ça il faut pas négliger. Mais au milieu de mes re-questions pour clarifier les nombreux acronymes non intégrés, une nouvelle maman arrive avec un nouveau bébé et le pédiatre recommence à parler Marathi.

Le contraste entre mes attentes et leur compréhension de leur rôle fut brutal. Alors que je suis externe et m'attendais à voir, questionner (en anglais ou avec un interprète), examiner, prescrire labos et médicaments, ils avaient en tête que je devais observer, sans trop interférer, et surtout leur parler de comment c'est au Canada.

J'étais profondément embêté. Si je ne posais pas de question, personne ne m'expliquait rien. Si je posais des questions, je me sentais comme une mouche sur la soupe. Les journées passaient à un rythme d'une lenteur infinie et je m'ennuyais à mourir.

J'ai tenté plusieurs tactiques. Assister aux chirurgies fut un échappatoire temporaire. Personne ne m'expliquait rien et je ne me brossais pas (soupir) mais au moins c'est impressionnant et on apprends juste à regarder, un peu. Les tentatives d'aller donner des vaccins dans la campagne furent un désastre. On me traitait comme une statue indésirable et laide qu'on évite du regard.

Par ailleurs, je stressais car Mme Giverne avait été très claire. Si mon stage était observatoire et non clinique, il ne compterait pas. J'ai donc confronté d'abord l'obstétricien avec mon problème. Il me répondit que pour faire des examens vaginaux il fallait chercher quelque chose. Je lui répondit avec un agacement difficilement contrôlable que justement, j'imaginais qu'il cherchait qqchose quand il les faisait et que j'aimerais bien qu'il m'explique quoi. Après quelque minutes il accepta que je fasse des examens. Mais il ne proposa pas de me trouver un interprète, et il était hors de question de prescrire ou d'écrire des notes car selon lui c'était illégal.

Cependant, dès le jour suivant, il déchargea sa responsabilité sur la résidente en lui disant de me faire faire un examen, ce qu'elle ne fit pas, convaincue que mon rôle en était un d'observateur...

Éventuellement, je devins si misérable que je m'arrêtai pour réfléchir. Mon stress venait de ce que j'avais une attente que je ne parvenais pas à combler. Malgré tous les essais que j'avais pu imaginer. Je devais donc changer mes attentes. Je décidai de ne plus pousser et d'accepter que mon stage serait peut-être jugé nul, au pire je le referais à la fin de la 2e année. De toute façon, graduellement un réel désir de prendre de l'expérience m'avait envahi et je ne voulais pas gaspiller une de mes 20 périodes à ne rien apprendre.

En conséquence, il était maintenant accessoire de me présenter au stage, et je décidai de ne plus y aller! Je pourrais ainsi pratiquer, relaxer, prendre des vacances à Pune avec son odeur de Roses et généralement glander, ce dont j'avais grand besoin (malgré ce qu'un certain article de journal universitaire a pu vous faire croire...)

Cependant, après discussion avec des amis indiens, j'ai décidé de donner une deuxième chance au stage en tentant ma chance à l'hopital central à Pune. Là, raisonnai-je, il y a aurait quelques anglophones, et peut-être quelques médecins qui voudraient bien me faire voir un patient.
Mais encore une fois, le jeu du dumping a pris le dessus. Oui oui oui, opinaient mes interlocuteurs, pas de problème, tu peux voir des patients!! Je suis sûr que mon bon collègue Dr. X va se faire un plaisir!! Sur quoi, après deux heures d'attentes, quand je parvenais à attraper Dr. X, il me référait à ses résidents...

Mais au moins, pour préserver ma santé mentale, j'avais décidé de n'y aller q'une demi-journée à tous les jours, comme ça si c'était inactif, et ça l'était presque toujours, je me réconfortais en profitant pleinement de mon après-midi.

Heureusement, ici et là, au fil des jours, j'ai quand même vu plusieurs choses intéressantes médicalement, et j'espère, appris plus que je ne le pense. Mais je n'ai vu, seul, qu'un patient en 3 semaines et demi. Et il a fallu que je le gagne après de longues intercessions auprès des responsables.

Comme quoi en voyage, il faut avant tout être prêt à changer ses plans.

Propager la haine, engendrer la violence

Il y a quelques jours, je fus choqué en prenant acte de la couverture du Magazine Times, version Indienne. Huit photographies peu flatteuses de huit politiciens indiens avec le titre: Kashmir crisis, found out who the villains are.

...

À l'intérieur, la journaliste, Aristote garde son âme, expliquait que la majorité des indiens étaient convaincus que la crise dans l'état disputé par le Pakistan était due à l'inefficacité du ministre de l'intérieur, Mr. X. Rappelons ici que Times possède aussi un des quotidiens les plus lus au pays, et je n'en doute pas, sûrement quelques chaînes de télévision. Alors évidemment, quand ces médias disent au peuple ce que le peuple pense, c'est l'oeuf ou la poule. Enfin, vous me suivez...

Plus loin, cette merveille d'objectivité demande en entrevue au ministre mentionné ci-haut: " Would you agree that you are the main reason for this disaster?" "You are saying that" "No, the whole of India is saying it..."

Je pense que généralement, il est sage de ne pas s'énerver et plutôt d'utiliser les moments de frustration pour méditer sur la nature humaine, afin de briser l'énergie négative. Mais dans ces moments ou (je ne trouve pas le u accent grave) je considère que l'appat du succès, le désir de sensationnalisme, la stupidité et le manque de culture, et la méchanceté amènent des gens à traiter ainsi des êtres humains, vraiment je m'enrage. Ce sont précisément ce type de raisonnements "coupe tout droit" qui mènent après des années d'accumulation aux guerres qui ensuite tuent aussi les gens qui ne voudraient que s'occuper de leurs affaires...

Plusieurs jours plus tard, ce midi, je dinais avec Dr. Manoj Thakur, Md ayurvedic (qui m'a donné un super massage dimanche) quand est venu sur la table le sujet de la politique, et des religions, deux sujets difficilement séparables en Inde. Depuis mon arrivée ici j'ai sagement évité d'entrer en réelle confrontation, me plongeant délibérément dans le rôle de l'anthropologue qui observe les schèmes de pensée sans interférer d'aucune façon. Mais le voyage lentement vous change. Chaque jour une couche invisible d'expérience, de connaissances, de vie, s'ajoute sur votre peau, elles s'additionnent, et hop, un beau jour vous vous trouvez en train de vous impliquer émotionnellement avec un Hindou sur la relation Islam-Hindouisme.

En fait, la discussion avait glissé là parce que j'avais eu envie de partager la triste douceur qui m'envahissait en me rappelant ma discussion d'hier avec S., une résidente hindou en gyn-obs qui m'a raconté avec une franchise perçante que son amoureux, un orthopédiste musulman, avait finalemment fiancé une autre, car que faire d'autre avec un amour impossible. Elle me disait que le père du garçon avait fait un infarctus quand il lui avait soufflé mot de sa flamme pour une Hindoue, et qu'elle même ne pouvait se faire à l'idée de faire souffrir sa mère à ce point...

Une chose menant à l'autre, Dr. Thakur, affirma qu'en fait, l'hindouisme était une religion supérieure à l'Islam, car les Hindous n'ont jamais tenté d'envahir un autre peuple, alors que c'est ce que font les Musulmans constamment, selon lui.

...

J'aurais peut-être dû prendre une grande respiration, et gentiment parler de la température, mais j'envie pour une fois d'exister, entier, avec mes pensées, mes croyances... alors bien sûr, une fois établi que j'étais en parfait désaccord avec une telle affirmation, c'est-à-dire que notre religion est "meilleure" que celle des autres, peu importe la véricité des arguments employés, il fut impossible de revenir à une entente amiable sincère, et le dîner, déjà difficile à digérer de part sa quantité exagérée, n'est pas encore passé. J'éprouvais une profonde tristesse qu'un homme cultivé, qui travaille selon ses propres mots à "équilibrer ce qui nous constitue", entretienne une telle amertume envers ses frères indiens et, ce qui peut-être a fait exploser ma soupape, cite le Times of India comme preuve que ce sont les Musulmans qui font du trouble (the Times only writes facts, dit-il), alors que j'imagine qu'il ressentait une profonde irritation envers ce prétentieux Canadien, qui vit dans un pays ou la densité moyenne est plusieurs km carrés par habitants, qui vient pour la première fois en Inde, connaît à peine l'histoire du pays, à qui je prends le temps de faire visiter, d'amener dans un restaurant, et qui me remercie en me faisant sentir comme si j'étais un terroriste fondamentaliste hindou...

...

Misère...

Comme j'aimerais que les Hindous retiennent non seulement le nom de Gandhi pour leurs routes, non seulement don visage pour la monnaie, mais aussi son message de tolérance, de sagesse, et d'ouverture envers les autres religions...

vendredi 5 septembre 2008

Inondations

Mercredi soir le ciel est tombé sur la tête des Punéites. Un record depuis des années. J'ai essayé de partir de l'hôpital vers 18h. J'avais de l'eau juste en haut des genoux et j'essayais de ne pas me faire emporter par le courant. Sur les bords de la rue les gens me regardaient en se demandant si j'tais fou. Les chauffeurs de Rickshaw, à ma demande de me reconduire chez moi, me répondaient par un rire bien senti. Je suis donc retourné à l'hôpital en attendant que ça draîne, tout ça.

Moi qui me plaignais intérieurement que cette mousson était drôlement sèche, j'ai été servi. En même temps, ça m'a aussi fait du bien psychologiquement et symboliquement. Comme si la nature exprimait finalement ce que je vis depuis mon arrivée: une série d'inondations pour les sens. Tant de gens, d'odeurs, de motos (le plus grand nombre de motos de toutes les villes d'Asie !!), tant d'émotions fortes...

Ces jours-ci, c'est une inondation de Ganesh, des centaines de statues d'éléphants-Dieu qui me tombent dessus. Processions, chants, danses, maquillage, alcool, prière pendant 10 jours.

Avec cette pluie, je suis définitivement entré dans la 2e phase du voyage.

I groove on.

À plus

Mathieu

PS
J'ai perdu mon téléphone dans un rickshaw cet après-midi. Comme mon Ipod. Sans commentaire. Désolé de ne plus pouvoir vous répondre ou appeler...

mercredi 3 septembre 2008

** Teaser trailers **

Bientot, sur Une Inde Deux Mondes:

+ Apres Incendies et Forets: Inondations

+ Coup de theatre! : Chronique medicale

+ Rever avec Bouvier

+ Chasse au tresor: les fruits et les toilettes

+ Le supplice du souper mondain

+ Le blogue: motivations et interets reels, une autopsychoanalyse

Une Inde deux Mondes, le blogue qui ne recule devant rien pour vous faire voyager sans que vous en ayez votre voyage!